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Hopléus avait décidé de partir tôt le matin avec la marée descendante. Malgré l’intensité des festivités de la veille – les cendres du grand feu qui avait été allumé sur la plage fumaient encore –, tous les membres de la communauté se réunirent sur la plage pour souhaiter bon voyage à leur archonte et à son fils. En plus du sac de toile contenant leurs tenues pour la cérémonie et le précieux présent qu’ils auraient, peut-être, l’honneur d’offrir en mains propres à l’Empereur, on leur remit un panier rempli de victuailles et deux amphores d’eau potable pour la traversée.
– Si nous voulons profiter des vents, il faut y aller, annonça Hopléus qui voyait déjà s'embuer les yeux d’Angénora.
Tout en étreignant sa petite sœur et sa mère, qui lui fit promettre de ne pas quitter son père d’une semelle, Magon chercha une nouvelle fois Méludine parmi la foule. Mais la jeune fille demeurait toujours invisible. Essayant vainement de ne plus penser à la nuit magique qu’il venait de vivre, il détacha la pirogue et, le coeur serré, sauta à l’intérieur. Des vivas retentirent derrière eux tandis que le vent s’engouffrait déjà dans les voiles, les poussant rapidement vers le large. Le spectacle était magnifique – le soleil semblait littéralement sortir de l’océan, incendiant les eaux et les cieux de toutes les nuances de jaune, d'orange et de rouge – mais Magon n’en avait cure puisque chaque nouveau mètre parcouru l’éloignait un peu plus de Méludine.
– Tu as l’air bien soucieux... Aurais-tu déjà perdu le goût de l’aventure ?
De manière peu convaincante, Magon répondit par un sourire feint qui tentait de prouver le contraire mais qui ne dupa pas Hopléus. L’archonte savait très bien ce qui tracassait son fils. Il se tut pourtant volontairement encore un peu, le temps pour lui de se concentrer sur le franchissement de la passe qui séparait le lagon de l’océan. Et ce ne fut que lorsque les eaux noires remplacèrent les eaux claires et qu’il eut mis le cap à l’ouest, qu’il jugea le moment opportun pour briser le silence :
– Je suis allé voir Tylos tout à l’heure afin de lui donner mes dernières instructions. J’y ai vu Méludine, elle avait exactement le même regard que toi. Elle m’a chargé de te remettre ceci…
La vue du joli collier de coquillages que son père sortit de sa poche illumina aussitôt le visage de Magon. L'adolescent s'empara du bijou avec précaution, comme si c'était la chose la plus fragile du monde, et le passa délicatement autour de son cou. Devant son air béat, Hopléus ne put s'empêcher d'éclater de rire :
– Haha ! N’en déplaise à ta mère, on dirait bien que tu n’es plus un petit garçon, mon fils ! Réjouis-toi : c’est un long et merveilleux voyage qui commence et il est de ton devoir d’en profiter un maximum car j’ai comme l’impression que quelqu’un, ici, attend ton retour et ton récit détaillé avec impatience !
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