L'EMPIRE DES FILS DE POSÉIDON - CHAPITRE II.


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Depuis la plus haute terrasse de son palais, Acerbas aimait admirer le soleil arroser Poséidopolis de ses rayons. La capitale atlante était l'oeuvre de sa vie. Sous son règne, la cité avait pris une nouvelle dimension, un nouveau visage. En trente ans, grâce à des travaux titanesques, il avait consolidé les Trois Anneaux, mettant à jamais la ville a l'abri de toute nouvelle agression, il avait transformé l'enchevêtrement de canaux sordides en un réseau organisé de larges voies navigables bordées de palmiers majestueux, il avait rénové les temples et agrandi les thermes et, surtout, il avait achevé la construction du Grand Canal, jadis initiée par le père de son grand-père. La mer avait triomphé de la terre et Poséidopolis portait enfin bien son nom : pourtant située à plusieurs dizaines de kilomètres des côtes, la ville était devenue un immense port marchand quotidiennement approvisionné par une multitude de navires venus des quatre coins de l'Empire.
Dans son dos, quelqu'un arriva à pas feutrés : 
– Les Dix Rois ont terminé leurs concertations. Ils attendent l'Empereur pour prendre congé. 
A regret, Acerbas abandonna sa contemplation et tourna son visage fatigué vers son fidèle Conseiller :
– J’ai l’impression que mon rôle s’apparente de plus en plus à de la simple figuration protocolaire, Phostébor...
Par-dessus le murmure incessant de la ville, de brusques éclats de voix retentirent au loin. Querelle familiale ? Dispute entre deux commerçants ? Accident de circulation ? Altercation avec la Garde Impériale ? Que n'aurait pas donné Acerbas pour être sur place et assister personnellement à la scène, à coup sûr autrement plus intéressante que celle qui l'attendait. 
– Ne devrais-tu pas t’en réjouir ? Tes réformes ont réussi à transformer un Empire jadis réputé ingouvernable en une administration moderne, hiérarchisée et formidablement efficace.
– Tellement efficace qu’aujourd’hui l’Empire ne semble guère plus avoir besoin de son Empereur…
– Tu es le porteur du Trident ! Un seul mot de te part et c’est l'Empire tout entier qui s’exécute.
Acerbas ne put s'empêcher de sourire. Phostébor était à ses côtés depuis qu'il était monté sur le trône et, sans lui, sans sa loyauté, son abnégation et son talent du compromis, jamais ses réformes n'auraient pu être mises en place avec autant d'efficacité. Petit par la taille mais grand par l'esprit, main de fer dans un gant de velours, Phostébor était plus qu'un conseiller, il était aussi devenu, au fil de toutes ces années, un confident, un ami précieux. Même si l’Histoire ne retiendrait que le nom d’Acerbas, l'âge d'or dans lequel baignait l'Atlantide depuis les trois dernières décennies était leur succès à tous les deux.
– Ton enthousiasme fait plaisir à voir. Parfois, je me dis qu'il faudrait peut-être que nous échangions nos places, déclara Acerbas avec malice tout en réajustant sa toge et en se dirigeant vers l'intérieur du Palais pour honorer ses obligations. 
– L'Empereur s'amuse à mes dépends, répondit Phostebor en lui emboîtant le pas. Qui d'autre que lui pourrait savoir ce qui est bon ou pas pour l'Empire ? 


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