L'EMPIRE DES FILS DE POSÉIDON - CHAPITRE I.



Les derniers jours de l'Atlantide, de son déclin politique jusqu'au cataclysme final qui causa sa disparition d'à la surface du globe.

Cette vision de l'Atlantide m'est toute personnelle. Roman en cours d'écriture, merci d'avance pour votre bienveillance. 
Bonne lecture!
*
La mer. Immense.
Se découpait au loin, sur l'horizon, la silhouette d'une frêle embarcation en bois surmontée d'une voile blanche. Deux hommes torse nu, à la peau mate et dorée par le soleil, se trouvaient à l'intérieur. L'un était le père de l'autre.
Âgé d'une cinquantaine d'années, le visage sympathique et le corps puissant, Hopléus jeta l'ancre et secoua son fils cadet qui, bercé par le roulis des vagues, s'était assoupi. L’adolescent, Magon, poussa aussitôt un grognement sourd et, tout en roulant sur le côté pour trouver une position plus confortable, fit tout son possible pour grappiller encore quelques secondes et demeurer à l'intérieur de son rêve, ce même rêve doux et agréable qu'il faisait depuis plusieurs semaines et dont le sens – il devait forcément y en avoir un, sinon pourquoi se répétait-il ? – continuait systématiquement à lui échapper. Les images, hélas, se troublèrent d'elles-mêmes, s'estompèrent et, quand il n'en resta plus dans son esprit que des bribes indistinctes, lointaines, Magon n'eut d'autre choix que celui d'ouvrir les yeux. Ils étaient arrivés au récif.
Étouffant un bâillement, il se leva en faisant rouler ses jeunes épaules bien dessinées pour s'étirer, réveiller ses muscles. Puis, avec l'assurance des gestes maintes fois répétés, il glissa la lame de son couteau dans la ceinture de son pagne, y attacha fermement une sacoche en toile et se saisit à deux mains de la dernière pierre qui restait au fond de la barque. Après avoir échangé un regard complice avec son père, Magon s'approcha de l'eau. La mer était calme, d'un bleu turquoise. Avec un sourire aux lèvres, l'adolescent prit une profonde inspiration et s'y jeta comme dans les bras d'une amie.


Ainsi lesté, il descendit rapidement à une dizaine de mètres de profondeur en gardant les yeux grands ouverts. Malgré toutes les plongées qu'il avait déjà effectuées, le Royaume de Poséidon demeurait pour lui une source d'émerveillement perpétuel : jamais il ne se lassait d'observer les rayons du soleil danser à travers la surface et projeter leurs reflets scintillants sur les coraux autour desquels évoluait une myriade de poissons de toutes les formes, de toutes les tailles, de toutes les couleurs. Partout, la vie pullulait. Mais parmi ce ballet de créatures toutes plus extraordinaires les unes que les autres, la plus insolite et la plus fragile de toutes n'était pas cette raie manta qui paraissait planer au-dessus du fond sablonneux, ni ces trois tortues qui se laissaient placidement porter par le courant, ni même cette araignée de mer qui dépliait ses longues pattes couvertes d'épines mais bel et bien lui, cet étrange bipède qui ne possédait ni écailles ni branchies.
Magon lâcha le caillou et, sitôt affranchi des contraintes de la gravité, battit des jambes en direction de deux superbes éponges qui, posées sur un rocher, semblaient n'attendre que lui. Il les décrocha d'un coup de lame aguerri et les rangea dans sa besace. Sa mère saurait en faire bon usage. Prenant appui sur le fond sableux, il s'apprêtait déjà à remonter lorsqu'il aperçut soudain un rideau d'algues qui ondulaient un peu plus loin sur sa gauche. L'adolescent hésita. Son père était pressé de rentrer mais comme c'était sa dernière plongée de la journée et que la pêche avait été bonne, il savait qu'il ne lui en tiendrait pas rigueur s'il restait encore un peu. Son intuition lui soufflait d'aller voir... Comme souvent, il l'écouta.
Bien lui en prit. Tapie derrière les algues, une huître de belle taille attendait sagement qu'il vienne la récolter. Magon attrapa de nouveau son couteau et le fit jouer sous la coquille pour la détacher. Ce faisant, et malgré les multiples recommandations paternelles, il tourna momentanément le dos à une anfractuosité de la roche. Grave erreur : en une fraction de seconde, une gigantesque murène se jeta sur lui et planta ses deux redoutables rangées de dents dans sa cuisse ! Magon lâcha un cri de douleur qui ne fit aucun bruit mais qui laissa s'échapper un précieux chapelet de bulles. L'adolescent tenta de donner des coups de pieds mais la murène tint bon, contractant les deux mètres cinquante de son corps jaunâtre constellé de petits points noirs afin de l'entraîner vers sa tanière. Pendant de longues secondes, les deux adversaires se débattirent dans un tourbillon indistinct. Le monstre, dont la peau lisse n'offrait aucune prise, remuait violemment dans tous les sens, empêchant sa proie de se dégager. Magon tenta plusieurs fois de frapper la bête, en vain. Effectués dans la précipitation, ses gestes étaient trop désordonnés et manquaient de précision. Inexorablement, Magon sentait le désespoir et la fatigue le gagner ; la tête lui tournait, ses poumons étaient en feu. Le visage souriant de Méludine lui apparut alors qu'il sombrait lentement vers l'inconscience. Méludine... Méludine !
Dans un ultime sursaut, Magon s'arc-bouta et ficha cette fois-ci son couteau dans la gorge de la murène qui relâcha enfin son étreinte en se convulsant, libérant le garçon qui s'élança aussitôt, le cœur rempli d'espoir, vers la surface. Il pouvait le faire ! Chaque centimètre parcouru le rapprochait de l'air libre, du soleil et de son père qui semblait lui tendre les bras. Encore un effort et il serait lui aussi à bord du bateau, ils mettraient le cap vers le village et arriveraient juste à temps pour le début de la fête, toute cette fâcheuse mésaventure ne serait bientôt plus qu'un vilain souvenir et Magon se faisait déjà une joie de mimer la scène à ses amis qui ne manqueraient pas d'en frémir d'effroi, surtout Méludine même si, comme à son habitude, elle feindrait l'indifférence et, ensuite, la nuit serait belle, ils danseraient tous autour du feu et qui sait, peut-être qu'avec un peu de chance, à la lueur des étoiles et à l'abri des regards, Méludine et lui...
Telles furent ses dernières pensées. Incapable de retenir plus longtemps sa respiration, Magon ouvrit grand la bouche.

> CHAPITRE II.

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